La notion de « jihad de l’âme » existe-t-elle en Islam ?
Comment ce concept a-t-il émergé ?
Comment devrions-nous interpréter les ahadiths sur ce sujet ?
(Traduit)
Question :
- La notion de « jihad de l’âme » existe-t-elle en Islam ?
- Comment ce concept a-t-il émergé ?
- Comment devrions-nous interpréter les ahadiths sur ce sujet ?
Réponse :
Le 1er novembre 2023, nous avons publié une Q&R concernant le concept du jihad dans son sens islamique. Linguistiquement, le jihad signifie faire des efforts, de lutter. Sur le plan juridique, le jihad de l’âme consiste en la lutte de l’individu pour contraindre sa personne à obéir à Allah et à éviter de commettre des péchés.
Allah a dit :
فَأَمَّا مَن طَغَىٰ وَءَاثَرَ ٱلْحَيَوٰةَ ٱلدُّنْيَا فَإِنَّ ٱلْجَحِيمَ هِىَ ٱلْمَأْوَىٰ وَأَمَّا مَنْ خَافَ مَقَامَ رَبِّهِۦ وَنَهَى ٱلنَّفْسَ عَنِ ٱلْهَوَىٰ فَإِنَّ ٱلْجَنَّةَ هِىَ ٱلْمَأْوَىٰ
«Quant à celui qui aura dépassé les limites, et aura préféré la vie présente,alors, l’Enfer sera son refuge. Et pour celui qui aura redouté de comparaître devant son Seigneur, et préservé son âme de la passion, le Paradis sera alors son refuge.» (S79,V37-41)
Lutter contre sa propre âme pour éviter le péché signifie que l’individu à la capacité de retenir son âme de commettre des péchés et la contraindre à obéir à Allah.
Allah a dit :
وَنَفْسٍ وَمَا سَوَّىٰهَا فَأَلْهَمَهَا فُجُورَهَا وَتَقْوَىٰهَا قَدْ أَفْلَحَ مَن زَكَّىٰهَا وَقَدْ خَابَ مَن دَسَّىٰهَا
«Et par l’âme et Celui qui l’a harmonieusement façonnée. Et lui a alors inspiré son immoralité, de même que sa piété ! A réussi, certes celui qui la purifie. Et est perdu, certes, celui qui la corrompt.» (S91,V7-10)
Dans ces versets, Allah, en jurant par l’âme qu’Il a créée, souligne son importance. L’âme humaine est une chose étrange, perceptible mais invisible. Elle est constituée d’instincts et de besoins organiques. Allah a créé en elle la capacité de commettre des péchés tout en créant également la capacité de faire preuve de piété et de faire le bien. Purifier l’âme mène à la réussite, tandis que la corrompre conduit à l’échec. L’être humain peut satisfaire ses instincts et ses besoins organiques de manière licite, conformément aux commandements d’Allah, ou de manière illicite en désobéissant à ses interdictions.
L’homme a été créé avec la volonté par Allah, simultanément à la création de son âme. Il peut utiliser sa volonté de différentes manières. Par conséquent, Allah, loin de commettre l’injustice, récompense en fonction de cela. Celui qui purifie son âme, maintient sa pureté, atteint le succès et gagne le paradis. Celui qui trahit son âme, désobéit aux interdictions d’Allah et n’obéit pas à Ses commandements, échoue et ne peut gagner le paradis et risque l’enfer.
Ainsi, l’homme doit lutter pour maintenir la pureté de son âme, une responsabilité qui relève de sa volonté. Sinon, il sera dans la transgression et dans la perte. Car l’âme a une inclination naturelle vers le péché.
Allah dit :
وَمَآ أُبَرِّئُ نَفْسِىٓ إِنَّ ٱلنَّفْسَ لَأَمَّارَةٌۢ بِٱلسُّوٓءِ إِلَّا مَا رَحِمَ رَبِّىٓ إِنَّ رَبِّى غَفُورٌ رَّحِيمٌ
«L’âme, en vérité, incite au mal, sauf celle à qui mon Seigneur accorde miséricorde» (S12,V53).
La miséricorde d’Allah se manifeste à travers Sa guidance et Sa religion. Ceux qui suivent cette guidance et demeurent attachés à la religion d’Allah peuvent préserver leur âme du mal. Ainsi, le Prophète ﷺ est envoyé comme une miséricorde pour tous les mondes, montrant la voie droite et sauvant les gens du châtiment. Si l’homme est guidé, croit en la religion d’Allah et s’y attache, il bénéficie de la miséricorde divine, échappe au châtiment et atteint la Miséricorde d’Allah.
Ce verset a été révélé en raison de la tentative de la femme du roi de contraindre Yusuf ﷺ à commettre la fornication, mais ce dernier a refusé. La femme, cédant à ses désirs, a tenté de commettre le mal. Yusuf ﷺ pour éviter ce mal, a lutté contre son âme, a imploré l’aide d’Allah et a ainsi été sauvé par la miséricorde divine. Allah lui a accordé la guidance, et il a lutté pour ne pas commettre de péché. Lorsque le roi a voulu le récompenser, Yusuf ﷺ a demandé à être chargé de la responsabilité de la gestion des récoltes. En exerçant cette fonction, il a appliqué la loi divine révélée à son père, le prophète Ya’qūb ﷺ et précédemment à Ibrahim ﷺ. Il n’a pas pratiqué l’incroyance, il a choisi la prison plutôt que de commettre la fornication, y est resté pendant quelques années. Comment pourrait-il alors pratiquer la plus grande des atrocités, la mécréance (kufr) ? L’accusation portée contre lui est une calomnie, similaire à celles proférées contre Mûsâ et Aïcha. Yusuf ﷺ a lutté contre son âme pour ne pas commettre de péché. En revanche, le système de mécréance permet toutes sortes de péchés tels que l’adultère, l’homosexualité, l’usure, le jeu, la consommation d’alcool, etc. Ceux qui commettent ces péchés portent la responsabilité de leurs actes, sont bien plus pécheurs, et tous sont jetés ensemble en enfer. Un prophète est-il envoyé pour cela ?
Celui qui pratique l’autocritique et l’examen de conscience est loué par Allah. Il a juré par une âme qui se blâme en disant :
وَلَآ أُقْسِمُ بِٱلنَّفْسِ ٱللَّوَّامَةِ
«Mais non ! Je jure par l’âme qui ne cesse de se blâmer.» (S75,V2).
Se blâmer signifie se condamner, examiner ses actions et ressentir du regret. La valeur d’une personne qui se blâme pour avoir commis un péché ou montré des défauts est élevée. Elle éprouve du regret pour ne pas répéter l’erreur, se critique lorsqu’elle manque à une obligation religieuse et cherche à la réparer. Comme mentionné dans la sourate Al-Imran, verset 135, si un croyant commet un péché en faisant du tort à son âme, il se rappelle Allah, implore Son pardon, ressent du regret, n’insiste pas dans le péché, promet de ne pas répéter cela et s’efforce de faire de bonnes actions.
Le Prophète Muhammad ﷺ a dit : «Le combattant dans le sentier d’Allah est celui qui lutte contre son âme pour obéir à Allah, et l’émigrant est celui qui émigre en abandonnant ce qu’Allah a interdit.» (Tirmidhî, Ibn Hanbal, Ibn Hibban, An-Nasa’i)
Celui qui lutte pour obéir aux commandements d’Allah est considéré comme un combattant, car l’âme tend vers les péchés, elle est paresseuse, aime le confort, ne veut pas faire d’effort, n’aime pas être blessée, préfère son intérêt personnel, est avare et égoïste. Pour se libérer de cela, il est nécessaire de lutter contre son âme pour accomplir les commandements d’Allah et observer les obligations religieuses.
La guerre armée, le combat physique, est une chose difficile. Les gens n’ont pas envie de partir en guerre car il y a risque de mort, de blessure ou d’handicap.
C’est pourquoi dans la sourate Al-Baqara, verset 216, Allah dit :«Le combat vous a été prescrit alors que vous l’avez en aversion.»
De même, dans la sourate An-Nisa, verset 77, ceux dont la foi est faible disent : « Seigneur, pourquoi nous as-Tu prescrit le combat alors que nous préférons rester chez nous ? »
Lutter contre l’âme est également nécessaire pour accomplir des obligations telles que la prière, le jeûne, le don de l’aumône légale et d’autres devoirs religieux. Dans la sourate An-Nisa, verset 142, Allah dit : «Les hypocrites cherchent à tromper Allah, tandis qu’Il les leurre. Et quand ils se lèvent pour la prière, c’est d’une paresse apparente, ils font bonne impression aux gens et ne font pas mention d’Allah, sinon rarement.»
L’âme est avare et ne veut pas donner l’aumône. Il y a de nombreux versets qui soulignent cela. Allah loue le sacrifice et condamne l’égoïsme en l’interdisant.
Le croyant lutte contre son âme pour accomplir des devoirs tels que commander le bien, interdire le mal, s’opposer aux oppresseurs, dire la vérité et établir la domination de l’Islam en établissant l’État du Califat. L’âme se relâche et s’incline vers le confort. Pour ceux dont la foi est faible, ces actes sont des obligations lourdes car ils craignent de subir les persécutions des oppresseurs.
C’est pourquoi le Prophète Muhammad ﷺ a considéré cela comme la plus noble des luttes et a dit : «Le chef des martyrs est Hamza bin Abd al-Muttalib, et un homme qui va vers un dirigeant injuste pour lui ordonner le bien et lui interdire le mal, puis il est tué par celui-ci» (Hakim l’a rapporté dans son recueil de hadiths « al-Mustadrak« , et sa chaîne de transmission est authentique.)
Il a également dit : «Le meilleur des jihads est la parole véridique face à un dirigeant injuste» (Abou Dawoud, Tirmidhî)
Si une personne possède une foi solide, comprend l’importance de l’accomplissement de toutes les obligations religieuses, et est déterminée à renoncer à tous les interdits, alors elle peut lutter contre son âme.
Une personne qui a la foi et fait de bonnes actions, se repent des péchés, et surtout meurt en étant exempt des grands péchés, est considérée comme ayant une âme supérieure, on l’appelle « Al-Nafs al-muṭmaʾinna ». C’est une âme paisible et heureuse.
Allah a dit : «Ô âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée. Entre parmi Mes serviteurs et entre dans Mon Paradis» (Fajr 27-30).
Certains musulmans, influencés par des idées non islamiques, ont mal interprété le concept de jihad contre l’âme. Ces croyances erronées encouragent à négliger les plaisirs et désirs terrestres, allant jusqu’à décourager la jouissance de bons repas, l’acquisition de biens, voire à prôner le célibat ou l’abstinence de relations conjugales. Ils promeuvent une vie austère, caractérisée par des vêtements simples et une alimentation frugale, sous prétexte que cela constitue un jihad contre l’âme. Cette conception est en totale contradiction avec les enseignements de l’Islam.
De plus, influencés par d’autres religions et philosophies, certains ont envisagé l’homme comme étant composé de corps et d’âme. Selon cette vision, la purification de l’homme passe par le renforcement de sa dimension spirituelle, d’où l’accent mis sur la réduction des besoins corporels, des instincts et des désirs matériels dans le cadre du jihad contre l’âme. Cependant, la réalité de la vie, incarnée par l’âme/rouh, est dissociée de la spiritualité. Le « rouh », essence de la vie, réside en chaque être vivant, y compris les animaux et les non-croyants, sans guider l’homme. Ce qui guide l’homme, c’est son intellect, comme le soulignent les versets coraniques et les ahadiths. L’homme croit en Allah, en Son messager et en Son Livre avec sa raison, en cherchant à comprendre le message et à cultiver une relation avec Allah.
En réalité, le terme « rouh » a plusieurs significations : la vie, le rôle de l’ange Gabriel, la loi religieuse (Charia) et la compréhension de la relation avec Allah. C’est la compréhension erronée de la signification de la relation avec Allah qui a conduit à cette interprétation déviante. En réalité, cette relation avec Allah consiste à se rappeler constamment d’Allah dans toutes les actions, à accomplir Ses commandements, et à renoncer à ce qu’il interdit. Ainsi, la dimension spirituelle est réalisée, et une atmosphère de foi se crée. C’est de cette manière que le jihad contre l’âme est effectué.
Ainsi, l’être humain jouit des bienfaits licites accordés par Dieu, apprécie de bons repas, porte des vêtements agréables et possède des biens ainsi que des foyers élégants. L’islam n’interdit pas ces pratiques ; au contraire, elles ne contredisent pas l’établissement d’une atmosphère spirituelle et de foi. En effet, elles ne constituent pas un obstacle, car l’individu, tout en profitant des bienfaits matériels, demeure conscient de sa relation avec Allah, obéit à Ses commandements et évite ce qu’il interdit.
Dans ces versets, Allah nous exhorte : «Ô enfants d’Adam, dans chaque lieu de Salat portez votre parure (vos habits). Et mangez et buvez; et ne commettez pas d’excès, car Il [Allah] n’aime pas ceux qui commettent des excès. Dis: « Qui a interdit la parure d’Allah, qu’Il a produite pour Ses serviteurs, ainsi que les bonnes nourritures ? » Dis: « Elles sont destinées à ceux qui ont la foi, dans cette vie, et exclusivement à eux au Jour de la Résurrection. » Ainsi exposons-Nous clairement les versets pour les gens qui savent. Dis: « Mon Seigneur n’a interdit que les turpitudes (les grands péchés), tant apparentes que secrètes, de même que le péché, l’agression sans droit et d’associer à Allah ce dont Il n’a fait descendre aucune preuve, et de dire sur Allah ce que vous ne savez pas.» (S7,V31-33)
Ces versets, ainsi que d’autres similaires, soulignent l’importance du jihad contre l’âme et interdisent la négligence du corps et du monde matériel. Dans la sourate Al-Baqara (S2,V200-202), ceux qui ne cherchent que les plaisirs de ce monde sont critiqués et informés qu’ils n’auront aucune part dans l’au-delà. En revanche, les croyants qui demandent à Allah beauté et succès dans ce monde et dans l’au-delà se voient promettre cela.
De nombreux versets et hadiths ont été mentionnés au sujet du mariage. Il a condamné le célibat et le sacerdoce (ascétisme). Il a encouragé le mariage et la procréation. Il a annoncé que ceux qui se marient et ont beaucoup d’enfants seront mieux récompensés. Il a condamné la pauvreté et a encouragé les gens à gagner leur vie et à devenir riches. Cependant, il a interdit l’arrogance, l’ostentation, la naïveté, la gâterie et l’égoïsme. Il a ordonné aux croyants de s’entraider dans les bonnes actions, dans la piété et de dépenser pour Allah.
Ainsi, le jihad contre l’âme consiste à suivre les commandements d’Allah, à éviter ses interdictions, et celui qui néglige cela commet une injustice envers son âme et mérite le châtiment d’Allah.
Esad Mansur
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